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Des nouvelles du Père Moïse

mardi 22 septembre 2020

Le Père Moïse (qui a exercé son ministère chez nous en 2018-2019) nous adresse ce mail daté du 29 août que je vous livre dans son intégralité. Prions pour lui et pour le Mali.

"Cela fera une année le mois prochain que je vous quittais pour mon Mali natal, après ces quatorze belles années dans ma Sarthe d’adoption.
Entre temps, il s’en est passé des choses ici. Paradoxalement ce pays évolue tout en stagnant. De nombreux Maliens, dans les grandes villes, se sont enrichis avec un compte en banque assez fourni, plusieurs maisons, des voitures, des vergers etc ; tandis qu’une majorité continue de galérer avec des fins de mois improbables. Anecdotiquement, un général de l’armée a récemment célébrer ses 50 ans, et fier de sa réussite a publié sur les réseaux sociaux la fastidieuse fête de près d’un million d’euros qu’il a offerte à ses invités. Alors que l’ouvrier peine a gagné 50 euros par mois.
La corruption institutionnalisée, la gabegie des officiels de tout échelon et l’incurie générale auxquelles viennent s’ajouter l’insécurité et le terrorisme, ont provoqué une situation délétère qui n’attendait qu’une étincelle pour exploser. Et cela n’a pas manqué de péter comme vous le savez. Je pense, pour ma part, qu’il ne s’agit là que d’une décapitation d’iceberg. Le mal est vraiment profond, car le Malien lambda (autrement dit les 90%) n’a aucune idée de la citoyenneté, encore moins de la République ou de la Démocratie. Avec les moyens et connaissances du 21ème siècle nous agissons dans une mentalité moyenâgeuse.
Malgré des appellations ronflantes données à nos structures et institutions, la réalité demeure d’une banalité affligeante : "Moi d’abord, les autres ensuite s’il en reste !". Nous évoluons dans cette gadoue où, à coup de gages verbaux donnés aux partenaires internationaux, "la caravane passe pendant que les chiens aboient". Malheureusement les loups qui sont à la tête de ces meutes sont eux-mêmes du sérail, leur colère n’ayant d’autre source que leur frustration d’avoir été écartés de la vache à lait.
Ceci dit, j’ose croire sinon espérer que le Mali est à un carrefour important de son histoire en tant que nation et tient là une véritable opportunité de changer au mieux. Ma grande peur c’est que "l’éléphant n’accouche d’une souris" parce que d’autres, ailleurs qu’au Mali, forts de leur pouvoir et de leur supériorité n’imposent aux Maliens leur propre vision et leurs désirs. Le sentiment que les forces en présence ne sont pas toutes habitées par la volonté de voir un Mali émergeant au détriment de leurs intérêts, est de plus en plus palpable dans l’opinion publique. Si certains de ces intérêts semblent purement économiques, d’autres semblent religieux et dans tous les cas géostratégiques. L’enjeu Mali n’est pas que Malien.

Ce n’est là que ma propre lecture de la situation à partir des échanges que j’ai eus par-ci par-là et cela n’engage que moi. Par ailleurs, je poursuis ma mission en tant que prêtre associé dans une équipe de quatre dans la paroisse cathédrale. Les nominations ne sont pas encore sorties, mais il y a du changement dans l’air. En attendant, je meuble mon temps libre avec du jardinage et une petite plantation d’arbres fruitiers que j’ai moi-même initiés.

Je pense souvent à vous tous avec tendresse et je prie pour que le mal qui sévit actuellement vous épargne et soit définitivement vaincu. Courage ! Tenez bon ! Dieu veille (comble) sur son bien-aimé qui dort (Ps 126). Je vous salue tous et confie le Mali à vos prières. Merci encore pour le bien que j’ai reçu de vous chez vous et pardon pour toutes mes maladresses. Dieu vous bénisse."